Genève pendant, Genève après
Qu’on l’ait bien vécu…ou pas, le confinement est une période dont on se souviendra longtemps. Un moment d’histoire que la photographe genevoise Karine Bauzin a décidé d’immortaliser au travers d’un livre.
“Post Tenebras Lux“ ou “Post Lux Tenebras“, c’est le titre du dernier ouvrage de Karine Bauzin. Un livre doté de deux titres, deux couvertures, qui se lit de manière recto/verso. Composé de 100 photos noir et blanc et autant en couleurs, il raconte Genève pendant et après le confinement en 200 prises de vue se faisant écho. Des diptyques fascinants qui captivent l’œil de par leur esthétique et attisent la curiosité, en offrant un regard sensible et décalé sur un événement qui échappe encore à l’entendement de tout un chacun… A l’occasion de la sortie de son ouvrage, la photographe genevoise a accepté de répondre à nos questions.
Comment vous est venue l’idée de “Post Tenebras Lux“ ?
Cette devise comme titre du livre est apparue comme une évidence pour illustrer cette parenthèse unique que nous vivons. Après cette période sombre ne peuvent venir que l’espoir, la lumière…. C’était aussi l’idée de proposer deux couvertures avec un second titre en tête bêche, l’une “Post Tenebras Lux“, l’autre “Post Lux Tenebras“. Le livre se tournant à l’infini côté Tenebras ou côté Lux car aucun vaccin n’a encore été trouvé malheureusement !
Qu’avez-vous voulu transmettre au travers de ces diptyques photographiques ?
L’envie était d’assembler, de juxtaposer ces deux mondes…l’un surréaliste, l’autre le retour à la vie, les liens, l’échange, le partage.
Pourquoi ce choix du noir & blanc VS la couleur ?
Ce tourbillon de vie que nous étions tous en train de vivre a fait basculer les villes du monde entier en un décor de film irréel. Le noir et blanc s’est imposé de manière évidente pour illustrer notre ville fantôme. Puis pour marquer le retour à la réalité avec des images de reportage, la couleur donne une vision encourageante et la concrétisation du retour à la normale.
Parmi l’ensemble des diptyques, lequel a votre préférence ? Pourquoi ?
J’ai fait de très belles rencontres lors de ces prises de vue…dont une m’a marqué particulièrement par sa spontanéité et son émotion. Je revenais pour la troisième fois sur la place des Volontaires devant l’Usine pour réaliser l’image en couleur prise exactement au même angle que celle en noir blanc. La terrasse étant toujours fermée, le déconfinement se faisant en douceur, je constatais que j’avais exactement la même image qu’en noir blanc et non ce retour à la vie avec une terrasse conviviale. Je suis rentrée dans un café et j’ai demandé à un couple s’il voulait danser le tango pour moi sur cette place déserte. Ils ont accepté avec plaisir. Ce moment unique et magique m’a procuré une grande émotion, raison pour laquelle j’aime passionnément mon métier de photographe. Vivre ces instants, ces rencontres…ce tango en couleur sur cette place déserte qui redonne de l’espoir…la vie tout simplement.
Une prise de vue que vous regrettez ne pas avoir faite pendant le lockdown ?
Evidemment celle des professionnels de la santé qui sont les héros de ce moment historique.
Finalement, comment avez-vous vécu cette période ? A quoi ressemblait votre confinement ?
Chacun a vécu son confinement avec son propre ressenti. Effectivement j’ai été tout d’abord impressionné par les décisions rapides des politiciens, puis après un temps d’observation, j’ai très rapidement voulu documenter ma ville. Finalement, chacun décidait de se réinventer à sa façon : les artistes faisaient des “live“ sur les réseaux sociaux, de nouveaux cuisiniers se révélaient, des passions naissaient…de mon côté un emploi du temps chargé m’embarqua dans cette nouvelle aventure. Une série en noir blanc qui fut assez facile à réaliser avec des anticipations dans les cadrages sachant qu’en revenant 3 mois plus tard, je devrai avoir le même visuel mais avec un autre message. La série en couleur fut plus compliquée surtout au niveau temps. L’éditeur s’impatientait de pouvoir imprimer. Je devais revenir avec 100 visuels supplémentaires pleins de vie, de personnes, d’activités alors que le déconfinement était lent et les rues restaient désertes… La complexité de photographier des voyageurs à l’aéroport alors que seulement deux ou trois vols étaient programmés, aucun enfant dans les parcs, des lieux de passage peu fréquentés… De nombreuses situations imprévisibles auxquelles j’ai dû faire face.
Et si l’on doit reconfiner cet hiver, votre prochain projet ?
Certainement un nouveau projet, peut-être plus personnel qui parle de nos vies, nos émotions, nos rapports sociaux, toujours en image…
“Post Tenebras Lux“ de Karine Bauzin aux éditions Good Heidi Production, 216 pages, 200 photos originales, format 14cm x 21cm, 25 francs.